Nuit
Pour M.Gambotti.
-1-
j’ai éteint la lampe en plissant les paupières: le monde avait des couleurs
d’extinction, et le livre, dans la brise, tournait sa fin.
-2-
les mots
les mots que j’ai
scarifiés
sur la page
les mots comme autant de cicatrices
les mots arrachés
aux cordes enrouées
qui râlent des notes
et qui voilent le monde dans ses sons
ce monde
aveugle à son silence ou sourd à son pays
ce monde qui oublie
l’étamage d’un
nom
sur des milliers de blancs
ce monde qui
attend dénué de majuscule
la voix perdue dans les regrets du vent
ce monde cédé aux temps fauves
aux nuits de lentes cognées sur la pendule
aux sableuses secondes des vies qui s’évident
du sang de leurs sons
et s’agrippent au poète
pour que s’écoule encore la grâce d’une lyre dans l’éternel songe d’une éternelle
paix
et que puisse encore sur l’île échouées des loques de nos pertes se recueillir la
voix narrant aux mers furies
cette poésie dont nous mangeons les restes.
À cette heure, la lune était posée sur son lit de fatigue et j'attendais que l'aube, en arrivant à la fin de son
sommeil, ouvrît un espoir.
KÉVIN PÉTRONI
Kévin Pétroni est né à Bastia en 1993. Il étudie les Lettres Modernes à
l'Université Paris Ouest Nanterre-La Défense.