Le Magicien
Paré de la brume des meilleurs jours,
Il organise, il manipule.
Ses gants blancs comme deux colombes,
Virevoltent et font écran
A ce qu’il cache dans le double fond
De son chapeau haut de forme.
Il prend l’habit du gentleman,
S’entoure de mystère et de calembours.
Roi de cœur, il touche et pique,
Il calcule, il anticipe,
Il fait ses figures à la Reine
Fascinée par les cartes,
Qui ne voit plus la main tendue.
L’illusionniste sait faire croire
Qu’il vous laisse le choix.
Il pourrait le temps d’une vie
Vous faire oublier ceux qui vous aiment
Par des effets de manches stratégiques,
Des ronds de jambes, des pirouettes.
De miroirs aux alouettes,
En mensonges, en doubles sens
Il travestit des vérités multiples,
Convergentes,
Vers l’objet de son choix ;
La beauté crédule.
La bonhomie est son arme favorite,
Avec ses chaines aux poignets,
Il capture les enfants.
Il sait mettre ses mots dans leur bouche,
Il sait mettre son regard dans leurs yeux.
Il sait se tapir dans vos pensées,
Il sait en saisir les peurs les plus profondes
Il sait vos douleurs les plus intimes.
Il ose toutes les outrances,
Reptile maléfique,
Dans son antre - public
Il transforme les estomacs
En sac de couleuvres.
Son trait est grossier.
Les ficelles sont connues
Mais elles font leur effet
Sur la fillette impressionnée.
Tout sourire
Puis soudain ténébreux,
Il tonne et impressionne,
Il menace d’extraordinaire possible,
Il surjoue le mystère
Et dans un nuage de fumée,
Il emporte l’enfant
Sous le regard stupéfait et inquiet
De ces parents.
Mais seul face au miroir,
Face à lui-même,
Sans fard, sans lumière artificielle,
Dans sa loge miteuse à la lumière crue
Son regard s’affole comme celui d’un petit chien
Qui a terminé sa gamelle.
Lorsqu’il n’a plus de public pour gesticuler ses tours mauvais,
La vérité lui saute au visage
Et lui arrache son masque
Sous lequel apparaît
Un intranquile menteur,
Faible, lâche, mou de l’âme,
Eternel et incurable égocentrique.
Perclus de spasmes,
Il invoque et panique,
Il étouffe d’être là.
Ses tours ne le détournent pas de lui,
Il en connaît tous les trucs,
La petite fille était la sienne.
Il ment à qui veut bien l’entendre
Mais lorsque les braves gens
S’en sont retournés chez eux
Rassasiés de mensonges et heureux,
Il n’a plus personne à mystifier.
Il ne supporte pas
D’être seul responsable de son calvaire.
Que doit-il encore inventer ?
Il en veut au monde entier,
Sauf à lui-même.
Il barbote dans son marasme, incapable d’être vrai,
Incapable d’être honnête.
Alors prisonnier de son rôle,
Engoncé dans ses peurs,
Il enfile un nouveau costume,
Il feint le changement,
Il abuse de nouveaux discours
Il invente un nouveau spectacle
Mais l’homme est le même ;
Sa tribune est votre crâne.
ALBERT FADI
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