Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - MAGGY DE COSTER

Publié par Le Capital des Mots sur 1 Août 2018, 10:57am

Catégories : #nouvelles

En souvenir d’un poisson nommé Charlie

 

Pauvre petite créature noire qui n’avait pour espace vital qu’un bocal en verre rempli d’eau et tapissé de pierres de couleur pour lui agrémenter les jours ! Un environnement aquatique ô combien réduit ! Quelques centimètres de diamètre et peu de profondeur, le tour est vite fait, il faut être inventif pour ne pas s’ennuyer dedans et sombrer dans la déprime à force de tourner en rond tous les jours du matin au soir. Pas un seul camarade avec qui se chamailler en lui mettant un coup de dents, un coup de queue ou de nageoire. Que c’est triste la vie d’un poisson dans un bocal d’eau. Autre fait à verser au dossier de sa misère psychique, c’est l’incapacité d’aller chercher sa nourriture comme le font les poissons des rivières et des mers si spacieuses et forcément riches en éléments nutritifs comme les planctons. Malheureux, il n’a pas l’heur de découvrir la beauté des fonds marins ni de connaître la joie de l’errance.

Sa seule chance c’est d’être l’homonyme du grand acteur britannique que fut Charlie Chaplin qui a su imprimer son nom et sa présence sur les écrans de cinéma du monde entier, mais le pauvre et minuscule poisson noir n’a connu que le maigre privilège d’avoir été offert en cadeau d’anniversaire. Que c’est bête la vie d’un poisson en bocal ! Ses yeux ne voient jamais le spectacle du lever et du coucher du soleil, il est témoin de l’unique spectacle que lui offre le fond de son bocal garni de pierres, exposées à la pâle lueur dispensée par le néon quand il est allumé, bien évidemment. Dans sa vie monotone, il ne distingue même pas les saisons. Le temps passe et il s’agite, sautille, frétille dans son bocal de façon répétitive jusqu’à ce que s’ensuive le sommeil.

Pauvre petit poisson noir, maintenant le souffle de vie qui t’habitait s’en est allé. Tu étais si faible que tu n’avais pu passer l’hiver. Il ne reste que le bocal, les pierres et l’eau. Paix à ton âme de poisson. L’eau gardera peut-être en mémoire les traces de ton existence.

 

 

15-01-2018

 

***

 

Square Cluny

 

Allongée sur un banc, comme épuisée par une nuit d’insomnie, une vieille femme grassouillette, les yeux ensommeillés, vêtue d’un petit gilet vert, ajusté sur une chemise blanche et tombant sur un pantalon kaki, se laisse effleurer le visage fatigué par son fils, tout aussi bien enrobé qu’elle, et engoncé dans ses vêtements trop étroits, dévoilant sa bedaine. Il lui glisse un petit mot à l’oreille, ricane, se mouche puis s’allonge, tête bêche, à côté d’elle ; à ses pieds, se trouve posé au sol un Caddie. Un petit sac rose fuchsia est accroché à la clôture, derrière le banc. Tandis qu’un homme noir, chaussé de lunettes, lisait un journal, le pied gauche surélevé à la hauteur de deux poubelles débordantes. Devant lui, en demi-lune, pigeons et moineaux picorent, non loin une fille mange une pêche, un verre de jus de fruits posé à côté d’elle ; à un mètre, sur un banc, un jeune homme mange avec appétit un sandwich, une dame consulte son téléphone mobile, un vieux monsieur, vêtu d’une veste noire et d’un pantalon kaki, la bouche mi-close, a l’air rêveur et imperturbable derrière ses lunettes fumées.

La fille reprend le verre de jus de fruits, le déguste pendant qu’elle pianote de la main droite sur les touches de son téléphone.

Et le temps passe sans le moindre souci de ceux qu’il bouscule.

 

***

 

Scène inhabituelle à l’Allée des Myrtilles

 

Août est là, le ciel revêt sa teinte de grisaille, annonciatrice de pluie. Dans l’air règne une lourdeur qu’une petite brise intermittente essaye de tempérer. Certains profitent encore de la douceur estivale des régions non encore désertées par le soleil. Un léger parfum de mélancolie flotte dans l’atmosphère comme un mauvais présage.

Anne-Laure déambule dans l’allée des Myrtilles, déserte depuis le début des vacances et y croise Sonia et Fiona, sortant d’une voiture, l’air désemparé, comme s’il se passait quelque chose d’inhabituel. Elle s’approche d’elles et leur demande ce qui s’est passé.

– Ils ont dérobé la voiture d’Yves et ont mis la maison sens dessus dessous, avance, Fiona, inquiète.

Cette dernière suit Sonia qui constate, ahurie, le nombre et la valeur des objets dérobés. Elle ouvre les tiroirs, s’agite, crie…

 

– Non il ne faut rien toucher, laisse tout en l’état, martèle Fiona.

 

Elle se tourne vers Anne-Laure en lui intimant l’ordre d’appeler la Police.

– Quel est le numéro ?

– Le 17.

 

Survient une femme blonde grillant une cigarette, venant aux nouvelles.

– Sonia, j’ai vu un gars encagoulé filer en trombe avec la voiture. Au début j’ai cru que c’était ton fils. Mon mari a reconnu la voiture d’Yves et en a bien noté le numéro d’immatriculation.

– Quel est ce numéro ? Je veux bien le donner à la Police, avancé-je.

– C’est mon mari qui l’a noté mais il n’est pas là pour l’instant.

Un peu crispée, Anne-Laure appelle la Police sur son portable, sous le choc, elle perd ses moyens. En fin de compte, elle réussit à faire passer le message, la policière, au bout du fil, la calme en lui disant que ce n’est que du matériel et qu’il n’y a pas eu d’agression de personne.

 

En attendant l’arrivée de la Police, survient Jérôme, le fils de Sonia et d’Yves, accompagné de sa bande de copains. Atterré par ce qu’il vient d’apprendre, il ne demande qu’à retrouver les voleurs afin de se faire justice. Et Anne-Laure de l’attraper en le calmant, ce n’est que peine perdu. Il est parti, courroucé.

Arrivent enfin les policiers. Sonia congédie un correspondant au téléphone pour se tourner vers ces derniers. Ils lui demandent le numéro d’immatriculation de la voiture volée, mais elle est trop perturbée pour s’en souvenir. Il lui faut en retrouver les papiers. Pour les objets volés, les policiers lui demandent de s’en remettre à son assureur avec photos à l’appui.

Et Anne-Laure de poursuivre son chemin, laissant Sonia sous les bons auspices de la Police et des voisins.

 

 

 

 

 

MAGGY DE COSTER

 

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http://www.maggydecoster.fr/

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Maggy_de_Coster

 

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