Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - JEAN-LUC FAVRE-REYMOND

Publié par Le Capital des Mots sur 17 Décembre 2019, 13:38pm

Catégories : #aphorismes, #texte, #prose poétique, #articles - articles critiques, #philosophie

Petit Traité de l’insignifiance !

Pour Barbara Cassin de l’Académie Française

 

 

01 – ALTERITÉ : L’homme en cela qu’il est homme ne peut transmettre (à l’autre) qu’en vérité ce qu’il connaît. Cependant qu’il connaisse « peu de choses » n’empêche aucunement son intelligence et sa capacité à comprendre ce qui est ou pourrait être.

14 – Alors que ce qui est palpable n’est en rien l’ineffable en vertu précisément de certains principes ou de l’expérience proprement dite.

15 – L’ineffable n’est pas une convention de principe.

16 – Le principe lui-même ne convient pas à la seule comparaison, à moins de contredire toutes les règles du langage.

17 – Or, qu’est-ce donc qu’une comparaison ?

18 – La comparaison n’est pas mécanique, encore moins organique. Et la structure alors, qu’en fait-on ?

19 – Organique et mécanique n’ont pas le même usage (dans l’humanité) et dans la langue.

20 – Les hommes appartiennent à l’humanité d’un point de vue organique. Existent-ils selon une certaine description mécanique ?

21 – Le modèle est-il un objet organique ou mécanique ?

22 – En quoi le modèle répond-il à l’objet dans l’humanité ?

23 – Les mots à leur tour sont-ils tantôt objets, tantôt résultant (inscrits) de l’objet lui-même ?

 

02 – AMOUR : À toute jouissance, la répulsion s’impose (s’oppose) . L’amour n’est pas seulement l’image de ce qu’il produit. L’amour est naturellement contrariant. L’amour est donc un fantasme, par nécessité. Mieux vaut s’en écarter pour survivre.

 

03 – Celui qui s’avère inspiré rend grâce à (celle) celui qui ne l’est pas. Il s’agit-là cependant d’une simple hypothèse ou d’un calcul hypothétique.

24- C’est parce que la langue existe, que le principe existe à son tour qui est une proposition comme une autre.

25 – En cela que la langue existe, en quoi le principe peut-il agir sur elle ou s’en démarquer ?

26- La langue se démarque naturellement des principes sur lesquels elle agit consciemment.

27 – Or les langues sont-elles naturelles, et à quelle naturalité répondent-elles sans se contredire ?

28 – Les langues répondent (globalement) à la naturalité dont elles sont issues.

29 – Les mots inscrits dans une langue se démarquent logiquement de toute autre langue, à moins d’être traduits.

30 – La traduction est aussi l’objet du modèle. En cela, la traduction est aussi bien organique que mécanique.

31 – Toute traduction organique a-t-elle un sens ? Toute traduction mécanique est-elle condamnable par principe ?

32 – La traduction est libre d’employer ses propres termes.

33 – La traduction n’est pas qu’une affaire de logique, c’est aussi une affaire de proposition ; or, sans logique, pas de propositions.

 

 

04 – AMITIÉ : Tous les êtres sont doubles. Ils s’acheminent toujours vers la duplicité. L’amitié n’est jamais tout à fait un modèle en soi, et encore moins une réalité. L’amitié peut être un rêve inconscient. Elle est une expression fausse de l’humanité.

 

34 – Traduire consiste à moduler les termes selon un certain ordre. Or, l’ordre n’est pas le sens originel de la traduction.

35 – Originel ?

36 - Au commencement était le Verbe d’une seule traduction possible. 

37 – En vertu de quoi tous les verbes n’ont pas le même sens d’une langue à l’autre.

38 – Si le Verbe est unique, alors que vaut le sens des mots ?

39 – Si le Verbe se multiplie, alors il devient accessible à tous les hommes qui le comprennent.

40 – Pourtant le Verbe s’avère souvent incompréhensible pour la multitude et cela depuis le commencement des temps.

41 – Ainsi le Verbe demeure-t-il secret même traduit dans toutes les langues existantes dans ce monde-là ou ailleurs.

42 – Si l’on affirme que le Verbe vient d’ailleurs, toutes les traductions sont fausses.

43 – Le Verbe, et cela est écrit, est organique. Le verbe est incarné dans certaines écritures dites sacrées.

 

05 -ANACHRONIQUE : Si JE est anachronique, toute l’humanité l’est aussi. Le déroulement du temps des hommes ne peut l’être, encore que ? L’espace à son tour ne l’est pas. Le monde logiquement n’est ni rétroactif, ni anachronique. Le monde est le monde.

 

44 – Ce qui peut être traduit logiquement dans le monde, c’est l’espace-temps.

45 – L’espace-temps se formule selon son propre langage et ses propres règles qui sont nécessairement logiques.

46 – La réalité appartient à l’espace-temps. Qu’en est-il alors des mots ?

47 – Les mots sont dans l’espace-temps, comme une syntaxe ouverte au monde de la langue.

48 – Le monde de la langue est aussi la langue des mots. Il n’est jamais tout à fait vide.

49 – Dire que la langue est vide serait affirmer que le monde l’est aussi. Pas sûr, justement !

50 – Le monde n’a nul besoin d’être démontré, sauf si…

51 - Si le monde est indémontrable, il est à craindre que ce qui le compose soit indiscernable. Mais ceci précisément reste à démontrer.

52 – Vas où le chemin te mène ! Ne te fie pas aux étoiles, car elles sont hors monde.

53 – Si tu regardes de trop près les étoiles, les mots vont te manquer pour les décrire.

06 – ANALPHABÈTE : Heureux les simples d’esprit n’engendre pas la haine, tout au plus l’incompréhension. Advienne que pourra là où JE suis !

54 – Alors donc, si l’on considère la courbe des étoiles en ce monde, vers quelle direction l’humanité tend-elle avec ses pauvres mots ?

55 – En effet, mieux vaut être analphabète et le rester. Sauf de résister au pire.

56 – Le Verbe est aussi une expérience de la langue, est-elle heureuse pour autant ?

57 – L’expérience de ce point de vue n’est pas quantifiable. Elle relève encore moins du jugement.

58 – Cependant et paradoxalement, si l’expérience existe, le jugement existe aussi.

59 – Le Verbe à son tour est une expérience de la vérité. Mais laquelle ?

60 – Si le Verbe dit la vérité, alors pourquoi faut-il que le ciel s’en mêle ?

61 - Il est fort possible qu’une erreur se soit produite au cours du temps. Temps infini et indéfini selon qu’il s’écoule ou non.

62 – La langue, elle opère en vertu d’une certaine dimension de l’infini.

63 – Au même titre que le Verbe est l’infini lui-même, y compris dans l’indiscernable.

 

07 - ANATHÈME : Ou bien qu’il s’agisse d’une hérésie, tu seras banni de ce monde. Et nul ne t’en relèvera, à moins de faire pénitence. Chacun est libre de mourir en croix.

 

64 – Toute dimension peut être démontrée, même celle du vide.

65 – Le vide (lui) reste incertain dans sa plénitude. Est-il fécond pour autant ?

66 - La langue est aussi dépendante du vide, c’est pourquoi toutes sont divisées.

67 – La division est un mode de calcul. Car qui divise règne pour des siècles et des siècles. Les langues seraient-elles lâches à ce point ?

68 – Prends garde de ne pas utiliser les langues à des fins subversives, car tu prendrais soudain conscience de leur faible dimension.

69 – Mais utilise les mots à toutes fins utiles aussi bien dans l’ordre que dans le désordre de leur apparition.

70 – Combien de temps pourras-tu tenir sans recourir à une franche explication ?

1.01 – À peine dit-on que le dire se retire, aussi bien qu’il se laisse (apparaître) en tout état de cause, selon les circonstances.

1.02 – Selon que la formulation soit juste ou fausse, et que la cause elle-même ignore ce pour quoi elle existe.

71 – Si le dire est un existant, le Verbe l’est aussi. Tous les verbes !

72 – Entre l’explication et la formulation, il ne peut s’agir que d’un seul mot.

73 – Le mot est-il aussi un signe, en cela que le signe s’avère juste ?

 

08 – BÉATITUDE : En tous points dispersés (en ce monde), il existe une vision souveraine qui délimite le champ de compréhension entre ce qui est (visible) et ce qui demeure (invisible) par nécessité.

 

74 – Si tous les signes correspondent entre eux, se peut-il alors que toutes les langues soient communes entre elles ?

75 – Ce qui est commun lie les langues entre elles, en fonction de l’expérience et non de la nécessité.

76 – L’expérience est également commune à toutes les langues, selon que le monde est ouvert ou fermé.

77 - L’existant est une formulation empirique du langage. Or, le langage ne peut survivre à lui-même, seulement s’il est usité.

78 – Une langue peut-elle être visible ? Là est la vraie question.

79 – Quand bien même une langue deviendrait invisible, qu’il en subsisterait quelques mots épars.

1.03 – Il n’y a pas de commune mesure entre ce qui est et ce qu’il y paraît. Les signes ne jouent pas tous le même rôle au sein de l’unique partition.

80 – Quand bien même le signe serait visible, qu’il emporterait avec lui toutes les langues.

81 - Nul ne peut prétendre connaître les signes sans recourir à leur langage initial, ou originel, c’est selon !

82 – Ne dis les mots qu’une seule fois pour bien comprendre leur portée en ce monde.

83 – Ne te soucie pas des règles, la métaphore n’a pas besoin d’explication.

 

09 – BÊTISE : Si l’âne mange du foin sans le savoir, comment l’homme pourrait-il tout comprendre ? Car le (tout) n’est jamais complètement révélé, à moins que la vision elle-même soit parfaitement éclairante et selon un certain point de vue.

 

84 – Le chemin parcouru depuis la naissance du monde tient en un seul mot : Révélation !

85 - C’est une affaire de grammaire bien plus que de supposition.

86 – Ne rien supposer qui ne soit connu d’avance. C’est en cela que les mots ont une vraie importance, pourvu qu’ils (concordent) entre eux.

1.04 – Une langue originelle, si elle existait vraiment, ne pourrait rester sourde à l’organisation maladroite du monde.

87 – Le point de ralliement des langues entre elles suppose qu’une explication soit donnée (au préalable). Dans ce sens, il n’est point de génie !

88 – Il est ainsi à supposer qu’il existe (de fait) une certaine logique entre la structure et la construction finale.

89 – Si la logique est établie comme une simple proposition, il ne peut y avoir de concordance entre les signes et leur soudaine révélation.

90 – Ou bien que connaître le sens du langage serait impossible à certains endroits.

91 – Ce qui est connu (au préalable) n’est jamais parfaitement révélé dans les faits. Il y a forcément des retours d’explication !

92 – À ce titre, un existant quel qu’il soit peut nous voiler la face, alors que l’aveuglement est parfois source de plaisir.

93 – Jouir contient soudain la plénitude de toute langue.

 

10BIENVEILLANCE : Voilà donc un terme qui prend sa source dans le repentir. Or, ledit repentir n’est pas naturel à l’homme. Ainsi, être bienveillant, (pour qui ? Pour quoi ? ) n’est pas nécessairement un fait compréhensible et certain !

 

94 – Admettons que le monde soit monde tel qu’il est. Faudrait-il alors comprendre pourquoi il est ainsi, ou à l’inverse pourquoi il nous échappe.

1.05 – Jouir ! Jouir ! Entends-tu le son des trompettes hors des ténèbres ?

95 – Ne dis jamais la langue telle qu’elle s’apprend (s’éprend). Dis plutôt pourquoi elle se déploie dans le monde comme langue tout simplement.

96 – La logique ne prévaut sur rien est une fausse proposition. De là, à dire qu’elle fait tourner le monde, c’est montrer notre ignorance.

97 – Ce qui est sera, ce qui n’est pas ne sera point ! Pourtant, c’est en fouillant dans l’invisible que soudain la lumière apparaît. On dit qu’elle jaillit de nulle part !

98 – « Il faudrait que » s’impose à toute chose, présente un certain danger.

99 – Le danger en effet est de confondre les langues dans leur formulation de base. Car il n’y a pas de vérité dans la confusion des termes.

100 – Au moment où tu tourneras la page, le monde enfin se dévoilera. C’est donc en vertu d’une multitude de principes que la structure se révèle. Et s’étend !

101 – Tourner la page revient à affirmer que l’homme est impuissant devant toute chose qu’il ignore.

102 – Pourtant, c’est dans le monde (connu) que l’homme laisse des traces. À condition toutefois que ce monde-là soit bien à sa portée (visuelle).

103 – En ce point précis (reste-t-il à définir), une chose reste une chose. Elle ne (dit) rien d’autre que ce qu’elle est.

1.06 – Il n’y a pas plus de petits que de grands principes ! Il ne s’agit pas là encore de confondre les termes, mais incidemment de les coordonner.

 

11 – BLASPHÈME : TU ne mentiras pas à ton créateur. TU ne t’en détourneras pas. Et quand bien même la lumière resterait cachée à ta face, que TU n’en serais pas maudit pour autant. À moins de porter le mauvais sort ! Prends garde de ne pas te fourvoyer dans de fausses croyances !

 

104 – La grammaire argumente bien plus qu’elle ne conçoit.

97.1 – « Nulle part », cette expression est monstrueuse ! Mais pourquoi donc ?

105 – De « nulle part » ne surgit rien ! De toute part semble plus compréhensible.

106 – De toute part semble alors plus facile à exprimer, si l’on considère la direction à prendre.

107 – Est-ce là une affaire d’inconscient ?

108 - Il n’est pas sûr que ce que l’on affirme logiquement soit toujours vrai ! Car la vérité est encore à venir.

109 – Plus la logique se révèle, plus les langues s’obscurcissent. Ceci est une fatalité, pas une affirmation.

110 – JE me rebelle contre toute langue, j’impose alors mes propres conditions, JE ne suis pas un homme libre pour autant. Un pauvre regardant !

111 – Or, l’homme libre inventorie sa propre grammaire, selon que le monde se donne à voir ou non.

112 – Pourquoi parles-tu donc de ce que tu ignores ! Ne sais-tu pas que les mots n’ont de sens que pour toi-même, tant que tu restes ignorant de la méthode !

113 – Ah ! La méthode, quelle affaire ! Il ne fallait pas s’aventurer aussi loin dans les termes.

Il ne fallait pas provoquer la naturalité des choses. Il ne fallait pas croire que toute chose est acquise. Ô trublion !

 

12 – COMPASSION : JE te le dis, tu ne riras pas de ma personne ! TU ne me prendras pas dans tes bras ! TU ne m’embrasseras pas sur le front ! TU regarderas seulement, là où JE passe pour t’éviter !

 

1.07 – Ineffable splendeur ! Ineffable grandeur ! Heureusement, les mots ne disent pas que cela.

1.08– Or, ce qui ne peut se dire prend de multiples proportions, mais qu’est-ce que l’ineffable au juste ? Rien ! Précisément rien ! Alors pourquoi continuer d’en parler ?

114 – Puisque l’on parle de méthode, à quelle structure peut-elle se rattacher ?

115 – La bonne méthode consisterait à dire que le langage pèse moins lourd qu’il n’y parait. Mais là encore ce serait commettre une grave erreur de style.

116 – Les choses ne sont acquises (que par endroits). Elles résistent parfois à la tempête. Et s’acheminent au-delà de l’ouragan.

110.01 – Or, celui qui se rebelle ne comprend pas ses racines, mais ceci reste à démontrer.

117 – Au-delà des choses ou en-deçà, à ce niveau tout est question de rythme.

118 – Si les choses ont un sens, c’est parce qu’il y a des mots pour le (dire) .

119 – Là encore, les bons mots ont tout leur poids, et ce n’est pas nécessairement une diversion de convenance.

 

Inédit

 

 

JEAN-LUC FAVRE-REYMOND

 

 

 

Il se présente ;

 

Jean-Luc Favre-Reymond, est un critique, poète et écrivain Français né en 1963 en Savoie. C’est un ancien collaborateur du Centre de Recherche Imaginaire et Création de l’Université de Savoie sous la direction du professeur Jean Burgos. Membre du Conseil National de l’Education Européenne (AEDE-France). Il est l’auteur de 37 ouvrages publiés et traduits tout ou en partie en huit langues. A ce titre il figure dans le Larousse de la poésie Française, édition établie par Jean Orizet en 2007. Il a publié tout récemment le Tractacus logico-poeticus (5 Sens éditions.Suisse). Prix international pour la paix.

Jean-Luc Favre-Reymond. - DR

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