Au terme des nuits houleuses
bougent clignotent
disparaissent
puis resurgissent de la vague
les feux déboussolés
des navires en maraude
sur le flot nourricier
Dans le vent soutenu
d’une aube enfarinée
le ciel bazarde
ses derniers grains
et norias noctambules
Suspendu dans les nues
comme flocon égaré
livré aux frénésies
des courants contrariants
l’espoir des hommes
a piètre allure
face aux hordes d’embruns
de l’océan qui bave
et regimbe du tréfonds
L’angoisse peut-être
la lassitude sûrement
étreignent les cœurs
dans l’univers chafouin
Sans savoir réellement
de quoi l’avenir sera fait
comme on va s’en sortir
avec l’ingrat noroît
qui pointe déjà son nez
sur l’onde toute chiffonnée
tourments ou accalmie
périls ou répit
il faut scruter l’iris
du soleil facétieux
pied de nez loupiot
croqué entre deux grains
humer le souffle fat
du talweg laborieux
viser la mine contrite
de l’horizon fuyant
écouter l’étrange frottement
que font les paumes du vent
sur la peau de l’océan
coller le front dans l’outre
des nuages cavaleurs
écarquiller les sens
toutes écoutilles hors champs
pour jauger comme va
évoluer la bordée
des éléments grisés
d’effluves efficientes
et rythmes syncopés
Blême sous ses guenilles
d’ondées en charpies
le jour vacille titube
cherche son équilibre
sur le fil frétillant
tandis que l’air erre
en tourbillons déments
ébauche une curieuse danse
sur les crêtes écumantes
ça tangue gigue gerce
dans la clarté blafarde
Des bouifs d’hallebardes
à l’aplomb des quinquets
l’onde saugrenue dévisse
de son tracé sacré
Have dans son havre
de solitude flagrante
l’homme rumine bougonne
cherche son aplomb
pour contrer la cadence
des pions exubérants
tandis que ses pensées galvaudent
au-dessous de la flottaison
à des brasses-lumière
du chambard déprimant
la traque prédominante
inhibe le sale temps
et bride les sentiments
Foutaise que la faiblesse
d’un ridicule instant
le mental harassé
par une nuit de tourments
avec le jour pointant
hors sa gangue de nausée
un nouveau souffle grégaire
entraîne la flottille
vers sa zone de pêcherie
et les esprits ravalent
leurs miasmes débectant
pour reprendre le cours
de leur taf obsédant
Vaincues snobées outrées
les fulminantes légions
affouillent rageusement
dans le bouillon glouton
pour contrarier le mouvement
des navires regonflés
dans un commun élan
Mars 2009
ALAIN JEGOU
Né le 7 octobre 1948 à Larmor-Plage (Morbihan). Vit actuellement à Ploemeur, près du port de Lorient où il a exercé la profession de marin-pêcheur durant 28 ans.
Proche des auteurs de la Beat Generation et des populations amérindiennes, il a publié une trentaine d’ouvrages, dont bon nombre de recueils de poésie, certains en collaboration avec des peintres et des graveurs.
Dernières publications :
-
Qui contrôle la situation ? aux éditions de La Digitale.
-
Juste de Passage, Citadel Road Edition.
-
Passe Ouest, suivi d’ IKARIA LO 686 070, éditions Apogée.
-
Cash, suivi de Dérives, Ombres furtives, édition bilingue français-anglais, traduction d’Eve Lerner, éditions L’Autre Rive, collection La Frange Atlantique.
Ouvrages collectifs : 111 Bretons des Temps Modernes, éditions ArMen.
Je suis un cut-up vivant, hommage à Claude Pélieu, éd. L’Arganier.
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