La fenêtre grande ouverte, au loin des pins battus par les vents du large. Un air de fines particules, muettes, invisibles. Et cette lumière venue de haut. Cette lumière qui parvient difficilement à percer la fibre du ciel. Papier d’argent et tissus froissés. Le vent se lève, un nuage glisse, j’écoute un piano et je sens mon cœur ralentir sans souffrance. Serait-il temps de l’avouer ? Avouer d’être de ce monde. Ce monde de foules et de collines. De lueurs et de roches. Qu’il est dur d’être homme quand on ignore tant de soi. Ma jeunesse est certainement dans ces feuillages. Mon destin, en direction peut-être de ce vol de cormoran. Il serait tant d’écrire vrai. Une lettre d’amour, un testament, une page blanche, infiniment blanche et signée d’un seul baiser. Le vent se détourne. Je ferme les yeux. L’ombre vient sans peine. Je ne suis que souffle. Rien d’autre. Un simple souffle qui se perd dans le silence du matin.
****
Pourtant …
Ce n’est pas compliqué.
On veut juste
Laisser mon cœur
Respirer.
On veut juste
Mêler
Nos corps
Aux pluies
De l’hiver.
On veut juste
Des heures,
Des astres
Et des visages.
Des voiles qui se lèvent
Des lucioles qui dansent
Des étincelles
Qui nous éloignent
Des chutes
Et
Des interdits.
Allons-nous avoir
Enfin
La chance
De croiser
La douceur ?
Allons-nous
Enfin
Frôler
La promesse
- la nuque -
D’un amour
Libéré
De son infini ?
Pourtant …
Ce n’est pas compliqué.
On veut juste
Laisser respirer
Nos coeurs.
…
*
Au bout de la jetée.
Face à la mer.
Comme au bord d’un visage.
Au bout de la jetée,
Là où plus rien
Ne se prononce.
Au bout de la jetée. Là où plus rien n’est fragile.
Je réalise que la mer ne reflète que ce que l’on cherche.
Et je ne sais plus si je préfère la houle au silence. Le souvenir à l’éveil.
Le ciel respire. Je l’entends au-dessus de moi. Je sens son souffle.
J’ignore tout de sa mort et dans le doute, je ne sais pas quoi choisir. L’invisible ou l’indicible. Peut-être faudrait-il commencer par « Il était une fois ». Ces visages qui se fondent dans la lumière. Ces peaux de papier froissé. Ces bulles de sang et ces perles de plomb. Je vais au bout de la jetée. Si je pouvais me hisser au plus haut de moi. M’approcher du bord. Me risquer à la chute. Etirer mes bras. Ouvrir mon corps et me déchirer la poitrine. Délivrer ce que je cherchais à tâtons. Libérer ce que je cherchais du bout des lèvres.
Je ne savais pas encore comment chanter l’âme des défunts. S’en retourner dans la terre humide. Se glisser sous la roche et se taire dans la glaise.
Une vague d’hiver
N’évite
Jamais les lèvres.
L’aube
Derrière soi.
Et après ?
L’aveu
Le secret
L’abîme.
On ne choisit
Ni son corps,
Ni ses souvenirs.
Et si le monde n’était que lagunes …
Fines lagunes entre nos corps dansants.
Nos corps esquissant un pas de côté.
Valse lente des courbes et des lèvres.
Aucun baiser ne porte le souvenir
De sa propre naissance.
Aucun ciel ne se souvient
Du chagrin des hommes terrassés.
Et si le monde n’était que lagunes …
Fines lagunes entre nos corps tournoyants.
Nos corps s’inclinant sous l’évidence
D’une vie de pluies et de chairs.
Aucun baiser ne porte la promesse
De son propre destin.
Aucun ciel ne sait prédire
Le silence des hommes en partance.
C’est quoi
Là-bas ?
Rien que des visages.
Les vagues reviennent.
Elles insistent
Elles n’oublient rien.
La roche s’est fendue.
Dernier souffle
Du hasard.
)
CLAUDE FABER
Claude Faber
Né en 1964. Vit à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales). Auteur et professionnel de la communication (ancien reporter pour la presse magazine : Géo, Grands Reportages, National Geographic, Arts Magazine …). Cofondateur avec les membres du groupe Zebda et Salah Amokrane du Tactikollectif (Toulouse), association d’actions citoyennes et culturelles.
Romans, essais et recueils
A paraître
« Contes de routes et de déroutes », La Bourdonnaye (2015)
« Le bon prétexte » avec le photographe Ulrich Lebeuf, Editions de Juillet (2015)
« Sélection de textes » Recours au poème (2015)
« La poésie de l’étoile » (réédition), Recours au poème éditeurs (2015)
« A ciel ouvert », Mon Petit éditeur (2014)
« Pentatracks » (préface et bonus), La Bourdonnaye (2014)
« Achille Viadieu, d’ombre et de courage », Ed. Privat (2013)
« La France de papa », Terres éditions (2009)
« La terre, 1001 photos », Ed. Solar (2009)
« Terres du Sud-Ouest en plein vol », Ed Géo (2008)
« Les années lycées », Ed. Solar (2008)
« Ensemble pour la paix », Ed. Milan (2006)
« Jules Verne, le roman de la Terre », Ed. Milan (2005)
« La pauvreté, combattre l’inacceptable » Ed. Milan (2004)
« Le vent pour virgule » (recueil), Ed. Syllepse (2003)
« Du Mont de Piété au Crédit Municipal de Paris », Ed. Magellan et compagnie (2003)
« L’anarchie, une histoire de révoltes », Ed. Milan (2002)
« Des feuilles de menthe », Ed. Encres vives (2000)
« Armand Gatti, la poésie de l’étoile », Ed. Descartes et compagnie (1998)
« Bleu de nuit » (recueil), Ed. Encres vives (1996) Extraits repris par la Revue de poésie Rétroviseur.
Textes et chansons
Chanson « Terre brûlante », texte co-écrit avec Bertrand Cantat pour l’album « Horizons », groupe Détroit. 2013
Création en Avignon par la compagnie théâtrale nantaise Science 89 « Chants de l'inconnu n°5 » constitué d'extraits des " Incertitudes de Weiner Heisenberg " d'Armand Gatti et de « La poésie de l'étoile » (Juillet 2000) ".
« Sur le toit de nos mémoires », poème présenté à La Maison de l'Arbre d'Armand Gatti, mis en musique par le groupe Sentimental Bourreau et mis en image par Stéphane Gatti (1998)