Princesse
Ciel anthracite, arbres sombres
Dans la fulgurance d'un rayon de soleil, le château
Lutte entre ces deux intensités
Plus le ciel est sombre, plus le soleil jaillit.
La princesse apparaît à l'entrée du château
Offre ses yeux brillants au soleil
Ciel, furieux, ravit la lumière
Château sombre
La p La princesse disparaît.
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Mon pays
Mon pays commence au printemps
Hirondelles virevoltes interpellent le rêveur
Sur fond rose
Le chat glousse d'un air concupiscent
Mon pays s'enfonce dans la violence
Violence de la chaleur de l'été
Léthargie
La place publique capitule
Sous la morsure du soleil
Le chat fier croque avec volupté un lézard
Violence, fulgurance de la pluie en automne
Lavés, déluge
Entre les gouttes, le corps se remet en mouvement
Le chat analyse le monde, protégé par la fenêtre
Violence du vent d'hiver
Il balaie tout, s'infiltre par la moindre maille du pull
Et invite les amoureux à resserrer leur étreinte
Le chat se love au plus près de nos corps
Violence de mon pays, ma violence intérieure
Je murmure cette prière
Que revienne le temps de la douceur
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Un jour
Voir des poissons-couleurs dans la mer des Caraïbes. Il faut que tu saches cela : à l'origine, il y a cette joie essentielle de nager parmi la beauté. Tu deviens Beauté. Image-ressource gravée dans mon cœur. Nager la vie, même à contre-courant.
Perdre son enfance. Toucher la terre, humide, fraîche. Sensations brutes. Retour à l'enfance. Planter un bulbe de jonquille et la regarder pousser puis faner. Du même bulbe, sortira une autre jonquille, l'an prochain.
Danser dans sa robe à fleurs rouges. Tournoyer à en perdre la tête et rire.
Pleurer, tellement. Corps vidé de sa tristesse. Tu pleures aussi. Et puis dire non. Et tu essuies les larmes. Sourire.Tu souris aussi.Vider son sac de misères, veules, crasseuses.
Changer de vie. La voix de Lavilliers, belle, masculine.
“On attendait que la mort nous frôle
Elle nous a pris les beaux et les drôles
On the road again, again
Au petit jour, on quittait l'Irlande
Et derrière nous s'éclairait la lande
Il fallait bien un jour qu'on nous pende”
Ne pas regarder derrière soi, pourtant la lande est émouvante. Puis pardonner, comme c'est dur!
Peindre ses lèvres et ses ongles en rouge. Rouge puissant. Rouge-Femme. Femme. Ne pas se reconnaître.
Dans un rayon de lumière, donner au monde un enfant. Être sauvage dans ce moment et ta faiblesse, follement humaine. Lâcher l'enfant au risque qu'il tombe, pleurer de l'aimer tellement.
S'ensoleiller d'ocres. Boire le vin, Rouge-Femme. Rire. Marcher et chanter à tue-tête. Puis écraser les feuilles mortes des platanes avec ses chaussures, aimer ce craquement sous ses pieds depuis toujours. Admirer le pin, celui qui sera toujours nain, aux deux montagnes, miradors des enfants.
Écrire une lettre, mâchouiller chacun des mots de cette lettre. Demain ou un jour.
Perdre la tête sans s'en rendre compte. Où es-tu?
Être heureuse. Plus de passé, plus de futur, naître que dans le présent. Puis mourir, tranquille.
COLINNE GRIGNAC
Elle se présente :
Colinne GRIGNAC est née en 1973. Elle a fait des études de lettres et enseigne le français. Prose ou vers, elle écrit depuis longtemps et est heureuse de partager ses textes.