Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - NARKI NAL

Publié par Le Capital des Mots sur 17 Mars 2019, 18:58pm

Catégories : #poèmes

Les tiroirs

 

J’ai chez moi des tiroirs remplis de lettres jamais envoyées

Comme stratifiées dans un espace-temps caché.

J’y règle beaucoup de comptes à mon adversité.

Écrire peut suffire…

 

Même s’ils sont dans la poubelle

Les mots ainsi sortis de moi

N’ont plus besoin de destinataires.

Dans ma tête ils ont atteint leur but.

C’est étrange pour ces flèches de sens

Que j’ai tirées sur du papier

de tracer leur trajectoire vers l’infini.

Sorties du cadre !

Et moi, délivrée de ces fardeaux

Je peux, ô ironie, à nouveau m’en charger

d’autres …

 

 janvier 2017

 

***

 

L’incandescence des départs

 

Il y a beaucoup de trains qui partent

Il y a beaucoup de femmes ruisselantes

Sur les quais des trains qui s’évaporent

 

Elles se détournent, les femmes ruisselantes

Pour ne pas voir partir ces trains

Leur cœur se froisse

Leurs mains dessinent des gestes inutiles

Beaux

Leur démarche chancelle, elles tanguent

Puis disparaissent

 

Il y a parfois aussi des hommes sombres

Noircis par les douleurs d’aimer, pliés

Ils restent immobiles, la tête appuyée

Dans leurs paumes serrées

Et zèbrent, explosent des lueurs folles

En leurs yeux fermés

 

Il y a des foules impavides à la nausée

Pourtant l’incandescence des départs

Enflamme l’air de feux follets

Feux follets… la mort est là

Qui meurt de rire dans ces lumières de cimetières

 

Il y a beaucoup de trains évanouis

Il y a beaucoup de cimetières dans les gares

Mémoires calcinées, cendres, larmes de pierre

 

Il y a beaucoup de femmes ruisselantes, brûlées

Il y a parfois aussi des hommes sombres

Noyés par les douleurs d’aimer, pliés.

 

 mai 2014

 

***

 

Mais où passent les corps ?

 

Mais où passent les corps ?

Hier encore je le sentais, le mien

Aujourd’hui il n’est plus, je ne suis que sa tête

Mais la tête pense le corps et le cherche

Il y a un paysage de brume et d’eau

Et des arbres tordus et sombres qui semblent dans l’air flotter

Enveloppé de nuages et lointain un corps en mouvement

C’est le mien … Dissociation

 

Le paysage change Rivage marin de sable

Vagues douces étalées en cadence lente

Une forme ballottée

Regard panoramique

D’autres formes apparaissent

Quelque objet d’un naufrage ?

Le regard s’approche

Des objets ? Non

Des corps d’enfants

D’enfants morts

Morts noyés

 

Mais où passent les corps ?

Ils vont à la dérive

Dérive du temps qui passe

Dérive de l’horreur

Mais où passent les corps ?

Ils vivent dans nos têtes

Nos têtes insurgées

Nos têtes impuissantes

 

Mais où passent les corps ?

Ils flottent sur l’Achéron 

 

octobre 2015

 

 

***

 

ANIMALITÉ

 

"Quand l’homme reconnaîtra de nouveau sa nature animale au plein sens du terme, il pourra créer une culture authentique."
Wilhelm Reich

 

L’animal en soi sommeille
On le dit
Mais l’animal en moi est éveillé
Je vibre aux odeurs de terre mouillée
Je hume la mer d’aussi loin que le chien hume sa pâtée
Nulle fleur odorante ne passe inaperçue 
Ma peau est sensible aux alizés
J’entends la petite vie qui grouille, sable ou gravier
Humus, lichen, pourriture organique
Je vois la douceur tendre du vert des jeunes pousses
Les feuillages éclaboussent ma rétine
Les pétales blancs ou pastel y impriment leur pointillisme
Toute bête qui croise mon chemin me rend l’extase des lointains jours d’avant
D’avant que ne se séparent femmes et femelles
Je froisse entre mes doigts leur pelage doux ou rude ou leurs merveilleuses plumes
La nature dont je suis est l’indicible bonheur où puisent mes racines
Et la puissante attraction des corps est mon vertige d’amour
L’amour, le vrai, celui qui sent la chair comme un capiteux parfum 
Celui qui ne craint pas les humeurs liquides et odorantes 
Celui qui au contraire peut s’y vautrer sauvagement
Celui qui a connu la force indescriptible et chavirante du désir décliné en ses multiples formes dont celle de l’enfant à naître de celui qu’on aime du fond de ses entrailles

Mais qui est l’animal en moi sinon moi
Mais qu’est-ce une femme ?

 

28 avril 2017

 

***

 

Une arme au goût brûlant

 

En ces temps délétères des paroles coulent, coulent et recouvrent le sang
Mais son odeur persiste et nous laisse tremblants
Mais ce n'est pas la peur, c'est comme une colère 
Et la rage de mordre à la vie comme avant...
Ami(e)s allons debout encore lever nos verres
Pour boire à l'unisson et narguer la Faucheuse en riant
Elle n'aime pas les mots et pour nous c'est une arme
Une arme au goût de miel, une arme au goût brûlant..

 

décembre 2015

 

 

NARKI NAL  

 

Elle se présente : 

 

 

Nicole Cardinali alias Narki Nal

 

Comme beaucoup, j’ai eu plusieurs vies : enseignante mais scientifique, éditorialiste polémiste dans des journaux associatifs, comédienne puis metteuse en scène … Une constante, l’écriture, qu'elle soit pédagogique, politique, sur mon travail de mise en scène ou depuis très longtemps poétique. Des poèmes tristes ou violents, souvent tragiques, mais je suis une femme qui aime rire !

« En vrai » je suis née deux fois. La deuxième lors de ma participation au Collectif des Diables Bleus dans les années 2000, pendant l’occupation des casernes abandonnées des Chasseurs alpins à Nice. Ma vie y a pris un autre cours dans ce lieu agriculturel de poésie réalisée, d’expositions sans musée, de rencontres et d’échanges, de concerts et spectacles où il n’apparaissait pas étrange de s’occuper de jardins partagés, de distribution de paniers de légumes de producteurs du coin et de monter une pièce de théâtre tout en participant à la cuisine collective, de dire des textes lors de soirées appelées Mardis bleus… Ce lieu n’est plus.

Mais la tradition continue, d’une soirée mensuelle de lecture de textes, ouverte à toutes et à tous, ce que nous appelons « Banquet poétique », dans un lieu modeste mais chaleureux. Banquet de mots et de mets, que j’anime avec mon compagnon et artiste Zacloud, au 29 route de Turin à Nice, lieu nommé « Diables Bleus Le 29 ».

 

Narki Nal - DR

Narki Nal - DR

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