Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - FRIEDRICH NIETZSCHE

Publié par Le Capital des Mots sur 29 Juillet 2019, 18:32pm

Catégories : #poèmes

La vie est un miroir…

 

La vie est un miroir

Se reconnaître en elle

C’est là ce que j’appelle

Notre premier vouloir.

 

Ein Spiegel ist das Leben.

 

Ein Spiegel ist das Leben.

Wonach wir nun auch streben

Als erstes möcht’ ich nennen:

In ihm sich zu erkennen.

 

(janvier-septembre 1858)

 

 

***

 

 

13 [20]

<Le vieux Hongrois.>

 

Quand j’étais jeune, le soleil

Sur cœur et lande fulgurait.

Vieillard à présent, je m’en vais,

Heï ô soleil !

Esseulé, par lande et forêt.

 

Quand j’étais jeune, ma bien aimée,

Était la fleur des landes qui boutonne.

Vieillard à présent, mon cœur s’est glacé,

Heï bien aimée !

Comme une lande dans le vent d’automne.

 

Quand j’étais jeune, tête brûlée,

Aux coursiers je jetais la bride.

Vieillard à présent, je les laisse filer,

Heï hardis coursiers

Ils reconnaissent à peine ce voyageur languide.

 

Quand j’étais jeune, j’avais l’œil aussi clair

Que les étoiles au ciel de la puszta.

Vieillard à présent, la source s’assécha,

Heï, l’œil clair !

On me conduit comme un enfant qui erre.

 

En route au rocher, car je fus jeune alors,

Fus jeune, un petit, petit garçonnet,

Je sautais partout, mes boucles flottaient,

Heï jeune alors !

Je m’allonge à présent, las, dans le lit des morts.

 

<Der alte Ungar.>

 

Da ich jung war, schien der Sonnenschein

Ueber Herz und Haide hin,

Da ich alt bin, geh' ich so allein,

Hej Sonnenschein!

Durch Haide und Wald hin.

 

Da ich jung war, war mein liebes Lieb

Ein1 frisch erblühtes Haidekind.

Da ich alt bin, kalt das Herze blieb,

Hej liebes Lieb!

Wie eine Haide im herbstlichen Wind.

 

Da ich jung war, war ich toll und kühn,

Rossen warf ich um den Zaun.

Da ich alt bin, lass ich sie weiter ziehn,

Hej Rosse kühn!

Sie kennen mich müden Wandrer kaum.

 

Da ich jung war, war mein Aug' so hell,

Wie die Sterne am Himmel der Pussta sind.

Da ich alt bin, ist versiegt der Quell,

Hej Auge hell!

Man führt mich wie ein irrend Kind.

 

Zum Fels hinauf, da ich jung einst war,

Jung war, klein, kleiner Knabe war,

Sprang ich mit flatterndem Lockenhaar,

Hej jung einst war!

Jetzt leg' ich mich müd auf die Totenbahr'.

 

(avril-octobre 1862)

 

 

***

 

 

Ainsi parlait Zarathoustra

Livre IV. Le chant du somnambule, §12.

O Homme ! Prête attention !

Que dit le minuit profond ?

« J’ai sommeillé, sommeillé –

Et d’un rêve profond je me suis réveillé : –

Le monde est profond,

Bien plus profond que le jour n’a pensé,

Profonde est sa douleur –,

Le plaisir – plus profond que la peine du cœur :

La douleur dit : meurs !

Mais tout plaisir veut l’éternité -,

– veut la profonde, la profonde éternité ! »

 

 

IV.

Das Nachtwandler-Lied, §12.

 

Oh Mensch! Gieb Acht!

Was spricht die tiefe Mitternacht?

„Ich schlief, ich schlief —,

„Aus tiefem Traum bin ich erwacht: —

„Die Welt ist tief,

„Und tiefer als der Tag gedacht.

„Tief ist ihr Weh —,

„Lust — tiefer noch als Herzeleid:

„Weh spricht: Vergeh!

„Doch alle Lust will Ewigkeit —,

„— will tiefe, tiefe Ewigkeit!“

 

(1885)

 

 

***

20 [126]

que se passe-t-il ? la mer tombe ?

Non, ma terre grandit !

Une nouvelle ardeur l’élève !

 

20 [127]

une pensée,

pour l’instant encore flux-brûlant, lave :

mais toute lave bâtit

autour d’elle un château fort,

toute pensée finit

par s’étouffer avec des « lois »

 

20[126]

 

was geschieht? fällt das Meer?

Nein, mein Land wächst!

eine neue Gluth hebt es empor!

20[127]

 

ein Gedanke,

jetzt noch heiß-flüssig, Lava:

aber jede Lava baut

um sich selbst eine Burg,

jeder Gedanke erdrückt

sich zuletzt mit „Gesetzen“

 

(Été 1888)

 

 

 

 

 

Extraits de  Poèmes complets, traduction de l’allemand, introduction et notes de Guillaume Métayer, édition bilingue, « Bibliothèque allemande », Les Belles Lettres, 2019. 

 

 

FRIEDRICH NIETZSCHE 

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Nietzsche

 

 

***

 

GUILLAUME MÉTAYER 
 
 
Guillaume Métayer, né en 1972, vit à Paris où il est chercheur, traducteur du hongrois, de l’allemand et du slovène, et poète. Sa dernière traduction est la première édition des Poèmes complets de Nietzsche (Les Belles lettres, mai 2019); son dernier recueil de poèmes publié : Libre jeu (Caractères, 2017).
Membre des comités de rédaction des revues Po&Sie et Place de la Sorbonne, où il est responsable de la section « Langues du monde », il anime également depuis trois ans un atelier d’écriture poétique à Sorbonne Université autour notamment de la forme sonnet.

 

 

LE CAPITAL DES MOTS - FRIEDRICH  NIETZSCHE

Portrait de Nietzsche. - DR 

LE CAPITAL DES MOTS - FRIEDRICH  NIETZSCHE

 

 Poèmes complets,  Friedrich Nietzsche, traduction de l’allemand, introduction et notes de Guillaume Métayer, édition bilingue, « Bibliothèque allemande », Les Belles Lettres, 2019. 

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