Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - CATHERINE ANDRIEU

Publié par ERIC DUBOIS sur 25 Mai 2011, 17:53pm

Catégories : #poèmes

Déni

 

Depuis combien de temps le sang n’a-t-il ruisselé entre tes cuisses ?

 

Le phantasme de la mère plane qui te battait et t’enfermait dans le placard.

 

Toi, petite soeur, seule dans le noir, les yeux ouverts pupilles bicolores

 

Tu criais. Moi, je te serrais contre moi tant et tant à t’étouffer.

 

Tu te taisais alors. Et puis c’étaient pour moi les longs couloirs blancs

 

Les portes battantes les chambres d’isolement fermées à double tour.

 

Les palpations et les électrochocs. Les questions sans réponses.

 

L’haldol.

 

Le phantasme de la mère plane qui finissait les bouteilles et cassait le verre

 

Contre tes poignets. Tu te taisais encore.

 

J’étais derrière ton mur de silence les prunelles décolorées à l’écoute

 

De la nuit qui avançait sur le crépuscule, de la haine qui l’emportait sur la nuit.

 

Et j’invoquais l’ange de lumière dans des éclairs rouges et noirs, la terre

 

Humide qui gronde et crache les corps qu’elle absorbe en gerbes sulfureuses.

 

Tu vomissais des territoires entiers que je recueillais en mes mains de

 

Géographe.

 

Je te lisais les Chants de Maldoror. J’allumais des bougies et faisais des

 

Incantations. Des messes noires. Pour qu’elle te laisse enfin, elle, la folle

 

Qui détruisait tes paysages d’un seul regard de lave incandescente.

 

Petite sœur, mon ange, je t’avais invoquée car comme toi j’étais déchue

 

De n’avoir connu que la colère et la honte. La révolte d’être vivante et de voir

 

Du don de double vue.

 

Depuis combien de temps l’eau n’a-t-elle ruisselé sur tes cuisses ?

 

Je voulais te protéger de la nuit qui avance sur le crépuscule, de la haine

 

Qui l’emporte sur la nuit.

 

Mais le mur est là, entre toi et moi

 

Entre moi et moi.

 

Et ce sont les longs couloirs blancs et les trousseaux de clés.

 

Les cachets que j’absorbe et qui font vaciller ton image.

 

Cet homme-là, en blanc, qui me dit qu’il y a trois ans

 

Que tu es morte.

 

 

 

 

 

CATHERINE ANDRIEU

 

Née en 1978, Catherine Andrieu a étudié puis enseigné la philosophie. Elle a publié un essai sur Spinoza aux éditions de L'Harmattan. Peintre et poète ( site d'art: http://www.catleen.eu), elle publie Poèmes de la Mémoire oraculaire aux éditions du Petit pavé en 2010.

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