La terre et l’ombre de César Augusto Acevedo
Alors que résonne une pluie diluvienne dans la rue des Ursulines, le film s’ouvre sur le silence d’une route poussiéreuse.
Il est question de gagner sa vie, de la perdre ou de la sauver.
A l’heure de l’apéritif qu’on ne boira pas, il neige des particules de cendre aussi volatiles que des plumes d’anges.
Le grand père arrive d’on ne sait où, balaie devant la maison, chante une vieille chanson d’amour et jette des draps sur ceux qu’il tente de protéger.
Les coupeurs de cannes à sucre ressemblent à des apiculteurs. Mais de leur coup de machette net et précis, ni miel, ni bourdonnement.
Personne ne doit ouvrir les volets, pour épargner l’homme aux poumons de charbon. L’enfant est le gardien de cet ombrage cataplasme.
On attire les oiseaux avec des quartiers de mandarine posés sur une planche de bois, mais viendront-ils un jour ?
« Vas te coucher…Fais attention à toi…Bonsoir mon ange….Est ce que tu me pardonneras ? » La parole est humble et incandescente.
Les hommes restent à la maison, ils attendent la guérison et le pardon. Les femmes reviennent le soir, harassées et pleines de terre.
L’eau coule avec le temps, un filet mince à la paume de douche. Un peu de fatigue partie dans la bonde et les épaules sont belles à nouveau.
On lave les mains des vivants et les pieds des morts avec la même patience.
Un rideau aussi délicat qu’une voilette palpite devant la fenêtre, au rythme du souffle disloqué
Le vieil homme, encore vigoureux, recouvre le petit fils tenant fermement sa glace à la vanille. Qu’aucune cendre ne vienne salir ce jour anniversaire.
Un cheval noir marche dans la maison vide quand l’enfant, la mère et la grand-mère partagent le lit, au pied de l’arbre chandelier.
Le cerf volant ressemble à une fleur qui s’ouvre, plus qu’à un losange crucifié. Soleil unique au dessus de tous les grillages.
CLAIRE KALFON
Claire Kalfon a été publiée dans les revues papier Petite, Friche et Décharge et bientôt dans Les Ecrits du Nord.
Autres publications dans les revues : Le Capital des mots, Secousse, Ce qui reste, la Toile de l’Un , Francopolis, Recours au poème, Cabaret.
Exposition Feux de croisement à la galerie Lyeuxcommuns : dessins d’Annie Barrat / textes de Claire Kalfon ( mars 2015)