Symphonies de l’autre rive
Symphonie de l’ombre
Dans le jardin des ombres
Mon sang, danse flamenco
Scrutant la source d’une tristesse domestiquée
Devient arc…et proie, germe et son à la fois
Relancée désamorcée
Apparaît au seuil de la lumière
Où mes doigts sont arbres indexés
Mon sang me range
Entre morsure et griffe en vol
Je deviens nid aux fenêtres sans vie
Sans ma langue maternelle
Perdue par le décret berbère
Qui suis-je alors ?
La nuit des gisements
Dictait ses contes souillés au charbon
Les poitrines, terre fertile de cellulose
Enrobait la cité d’un goût amer
Les champs de blé toussaient la poussière
Buvaient des brumes que le vent rebelle
Apportait, courrier urgent à décacheter
Que m’apporte ce brin de mémoire aujourd’hui ?
Je mourrai solitaire
Anonyme
Sans connaître mes racines
Il m’arrive de me croire déesse des dunes
Ainsi ont décidé les fans sur la toile bleue
Mon cœur d’eau et de feu
Marche à reculons
Pour retrouver son dieu
Mes lèvres s’imbibent d’encre
Pour colorer l’horizon de sucre
Serais-je dans ce qui fuit
Ombre d’ombre
Se déversant en déluge de questions
Je regarde parmi les fissures des récits de ma mère :
Une moisson maigre monte vers l’oubli
Et je tombe miette muette
Dont le sang danse flamenco
Le velours de ma naïveté
Dessine les champs de l’autre grand père
Ses troupeaux gardés à dos de chevaux
Au seuil d’une forêt, aujourd’hui disséminée
Le passé refuse de se retisser dans ma mémoire
Que des ombres dorment au creux du cœur
J’ai brûlé mon voile
Tout en gardant mon tapis de prière
Je laisse mes cheveux aux vents
Je jeûne et je psalmodie
Pour calmer ma conscience tiraillée
Qui suis-je
Ombre semi soumise ?
Huppe qui défit l’absence ?
Mon cœur nu, danse flamenco
Je le sens dans le feu
Dans la mémoire de mes ancêtres
Dans les caftans brodés au fil d’argent et de soie
Dans le tatouage de grand-mère
Qu’elle a toujours désiré effacer
Suis-je la question de la rivière à sa source,
Qui boit les couleurs du ciel imprégné de peur ?
Son trajet est-il choisi ?
Suis-je une vigne reposant la tête sur la terre
Mordant l’eau à pleines dents ?
Suis-je flûte triste dans le lac du temps
Suis-je temple de l’ange doublé du méchant ?
Comment dieu peut-il m’aimer
Sans me guider vers son paradis promis ?
Pourquoi les armes chantent la mort plus que la vie ?
Écrivant le parchemin humain ensanglanté
L’errance souligne la conscience
Les identités rétrécissent devant l’amour
Seul chemin possible vers un demain meilleur
***
Symphonie de l’absence
Mon pas, passage vers mes ancêtres
Cherchant les confidences du monde
Sur son nombril
Pousse l’orgueil de l’argile
En quête de sa profondeur
Silencieuse
Sablonneuse
Saignant l’absence attachée aux caravanes
Du sel, de l’ivoire, des épices des esclaves, de la soie
Et d’autres colis de folies
Aux trots des chevaux
Succède la fumée des cargos.
S’oublie l’humain
Cherchant le code de son existence
L’énigme de son souffle qui perd sa trace
Je penche sur mon âme
Son soleil marche au seuil d’un midi agité
Qui m’entends ?
Je tourne
La pensée vers la porte
La voix vers le silence
Le rêve vers le néant
Je sais que le pas
Me guide vers l’exil de l’émoi vers moi
Le printemps éphémère perd ma boussole
L’été approche, non, confusion, j’y suis déjà
Les chirurgiens m’ont baptisé Isis
La vie ne saura germer en moi
L’imam a signé mon désarroi
Et l’élu fonda un autre foyer
Il a le droit de regrouper les corps
Sous son toit
Les âmes ? Les cœurs ? Qui s’en soucie?
Le destin dit :
Tourne la page
Le chemin te prendra vers l’avant
Ton pas vieillira de toute façon
Dans ton esprit, la blancheur, se posera
Ramènera la douceur
Translucide,
Cheminant des fumées plus au moins coloriées
Et des odeurs variées
Ainsi
Ton mot griffé par la mélodie gitane
S’apaisera ou dans la blancheur se taira
Qui t’attend de toute façon
Depuis le premier cri dans le premier pan blanc
Qui t’a cueillie il y a longtemps
Quand, des fonds de ta mère
Tu n’as pu te dégager du cordon
Celui qui te prenait en otage :
Sois toi, sois ta mère sifflait-il à ton oreille!
Ta mère criait, criait, criait
Dieu ne l’écoutait pas en ce moment
"Blowin' in the Wind" flambait l’opéra à Paris
Le bleu dansait dans ton sang, le souffle manquait
Les eaux n’étant plus là pour te nourrir
Depuis, l’eau te fait peur
Si tu y mets les pieds
Tu ne respires plus
Absurde, ton attitude sur une plage
La toute dernière vaguelette peut te lécher les pieds
Mais jamais plus ne gouttera le sel de ton corps
Depuis que sur la mer rouge
Tu n’as pas flotté, paniqué, tu as crié
Se noyer dans un mettre de profondeur ?
Oui, l’eau traîtresse, a rusé pour m’attirer
Mon heure était-elle arrivée ?
« Lui » restait sur le sable à me regarder me noyer
À ce point là voulait-il ma mort ?
Mon frère, au vent lança ses pieds
Et sur le sable j’ai enfin respiré.
Depuis le cordon, la mort n’a cessé de m’embrasser
« lui » m’a tourné le dos dans les couloirs d’une clinique
Cancer ! « il » était effrayé pourtant c’est dans mon corps
Que les vers se nourrissaient
La prière fut stérile dans ces temps
Le plomb des questions me tirait vers les fonds
Des forêts entières se brûlaient en moi
Moi l’argile plein de défaut
Résistant aux intempéries, chante la vie
Je danse au rythme de « Shakira »
Et je soupire dans les spectacles de la fantasia
Wa l’mkahel , wa l’baroud, wa grand-père
Suis trop hybridée, se dilue mon sang amazigh
Ma langue natale me fuit
Je donne liberté à mon mot
Il tire sur moi
Une, deux, quelques balles s’éparpillent
Me voilà nue
Habillée d’un soupire nostalgique.
***
Symphonie instantanée
Dans mon sac, dort « Raphael »
Il n’entrera pas dans la boutique magique
La peau de chagrin peut attendre demain
Au bord de la fenêtre, danse un papillon
Il a le regard de « Virginia Woolf » !
Au loin
La brume orange brode un brin de printemps
D’où se dégage la fraîcheur des baisers tendres
Mes lèvres songent au jeûne
Et frissonnent
Je danse comme un derviche pieds nus
Oubliant le blanc qui broûte
Sur mes tempes
Dans le livret de famille, dort mon nom
Pensant à la pierre tombale qui sculptera sur son front :
« Ici gît la fleur d’iris, dans ses bras peuplait l’exode, elle a tant crié la nostalgie de ses ancêtres : le cœur déchiré loin de Toledo »
Au sein de l’herbe, je dormirai
Un ciel jaune à faible hauteur, s’approchera de mon front
Entre les coups de la vie,
Et mon penchant pour les marges
J’ai bu les mousses d’un chemin mineur
Dans son cordon trébuche
Le mot
La feuille qui ressemble à la cendre
Le cœur d’un cahier
Qui attend l’encre faite d’arc-en-ciel
Des lignes d’un cœur sage
Traçant les lignes de la vie, oblique
Vers le possible flottant
Je m’ouvre
Je me renferme
Nue, je porte le vide
« Luc Dietrich» crie en moi :
(Je veux descendre tout entier dans ma phrase. Je voudrais m’y couler comme dans la mer. Je voudrais y crier avec ma bouche. Je voudrais que ma main sorte des lignes. Je voudrais communiquer une telle chaleur que celui qui me lira sentira la force de mon sang, la vie de mon sang)
Mais je n’y suis pas descendue
Avec lui, je n’ai pas crié
Et je ne sais si ma main est sortie de moi
Pour disperser mon sang
Pour que……
…….. j’existe.
AZIZA RAHMOUNI
Née à Essaouira ( Maroc)
- licence en littérature arabe,
-diplôme de rédactrice
-fonctionnaire
-poétesse bilingue (arabe français)/
-traductrice de l’arabe vers le français et vice-versa/
-secrétaire générale de (poetas delmundo)/
*a publié « le silence tombe un peu plus »recueil/
*a publié en Tunisie la traduction du recueil « En moi pour tes yeux »du poète tunisien (Samir Shimi),
*lauréate du prix de créativité au Liban (Naji Naaman)2010 /
*a écrit dans « Alittihad ichtiraki » & « Almounataf » journaux marocains / « Aliraquia » journal iraquien /«Alssiassa alamma » revue arabe en Hollande / « Alhayate alyawm » journal Algérien/ & dans une dizaine de sites arabes, a organisé des défilés du kaftan marocain à Rabat, a participé au recensement de la mendicité et à la cartographie des poches de précarités à Rabat…