Cuistances
On hacherait gros les hargneux
Avec de l’ail et du persil
On les cuirait en scrogneugneux
Arrosés de pilipili
On éplucherait les sournois
Et pour qu’ils dégorgent leur fiel
On les baignerait un bon mois
Dans leur vinaigre avec du sel
On pilerait les klaxonneurs
Dans de la musique concrète
Pour les servir en zut mineur
Avec un solo de trompette
On broierait les mauvais coucheurs
Avec du piment cauchemar
Et du midi-à-quatorze heures
Pour tartiner des patafars
On viderait les pète-secs
On les farcirait de boudin
Et puis on leur clouerait le bec
Avec une épingle à crétins
On passerait les pisse- froid
A four chaud pour les dégeler
Puis on les jetterait tout droit
Dans un bouillon d’humour anglais
On dégonflerait les hautains
On les trancherait en lamelles
Là-dessus de l’ail et du thym
Et hop ! en vrac dans la gamelle
On pocherait les dédaigneux
Dans du gros pinard épicé
En prenant soin d’ôter leurs yeux
Au ciel et leurs lèvres pincées
On blanchirait les matuvus
Dans une soupe à la grimace
Ou un pissat de honte bue
Teinté d’imbécilité crasse
On cuirait les condescendants
A la ficelle sur la braise
De leur vanité en veillant
Au croustillant de leurs foutaises
On mijoterait les bas-bleus
Les parle à mon cul les snobeurs
En cocotte à tout petit feu
Avec des haricots sauteurs
Bref on ferait des fricassées
Avec tous les désagréables
… Qu’on puisse enfin les apprécier
Au moment de passer à table
(Slam du Quai – Angers - 6 Février 2015)
***
Poème Vroum vroum
Warum
Warum demandait le crooner germanique
de sa belle voix de crooner
Zag warum
Ce qu’on en a dansé des slows
Sur sa musique sirupeuse
Broom
Broom c’était le balai du directeur
De la maison des jeunes de Malo
Il le passait pendant les boums
Entre les pieds des danseurs
Qui collaient
Dream
Dream c’était le rêve
De night in white satin
Ça devenait droom
Quand nous passions la frontière
Pour aller faire le jacques à Ostende
Et vroum-vroum,
C’était l’échappement trafiqué de nos mobylettes bleues
Le barouf que ça faisait
De quoi as-tu rêvé pendant un demi-siècle
D’un tête à tête avec les mots
Croisés
Les mots fléchés les mots chiffrés les sudokus
Le scrabble dans un petit club
Entre soi
Pourtant les drones bourdonnent
Nos grands hommes claironnent roms roms roms
Et la sécurité pinpon pinpon laissez passer
Et vroum vroum vroum le défilé des voitures officielles
Et vroom vroom vroom vroom des missiles sur des civils
Et boum badaboum voilà que tu tombes
Un inconnu te prend la main
Il te relève te sourit
Et houp la boum une voix chante
Formidable formidable nous étions formidables
C ’est la vie qui t’invite
Avec son bon et son mauvais
Faut pas rester sur le côté
***
We never shut up
Vous m'avez mis un bâillon mais c'était peine perdue
L'idée a continué de germer
Si ce n'était moi c'était donc mon frère
Ou bien quelqu'un des miens
L'idée a continué de germer
Selon des critères génétiques
Et au nom de la santé publique
Vous m'avez jeté dans un four
Avec tous les livres qui vous tombaient sous la main
Mais la voix de la race s'est étranglée dans son propre cauchemar
Des poèmes fuitaient de partout
Et le camp de la vie l'a emporté
Alors vous m'avez fait disparaître
Vous m'avez séquestré dans des mouroirs psychiatriques
Vous m'avez torturé, violé, déchiqueté dans des abattoirs secrets
Vous m'avez enlevé en avion pour me jeter dans la mer
Mais ma chanson courait toujours - ne vous déplaise
Ma chanson transpirait à travers les frontières
Ma chanson se moquait des frontières
Alors vous avez invoqué le langage de la raison
Vous avez acheté la raison et vous l'avez brandie
Avec de grands airs en montant sur vos grands chevaux
Vous m'avez reproché ma casquette de travers
Vous m'avez assommé de fatalité…
Sans m'écouter quand je disais
Vous m'avez reproché mon mutisme
Parce que je ne disais pas ce que vous vouliez entendre
Vous avez truqué la réalité et brutalisé mes rêves
Vous la fourmi gentille
Moi la cigale insensée
Et j'ai dessiné des petits mickeys sur les murs de la cité
Des petits mickeys qui vous faisaient lanlaire
Des petits mickeys qui glissaient des cailloux dans vos chaussures
Des petits mickeys qui vous cassaient les pieds
Alors vous m'avez divisé en sous-catégories
Que vous avez jetées les unes contre les autres
Dans le vacarme des médias
Dans un tohu-bohu d'émotions de rancœurs de haine et de désespérance
Tous nous étions une victime
Comme vous aviez échoué par le haut
Vous avez tenté le coup
Par ce qu'il y a de plus bas
Vous avez convoqué la folie des dieux
Pour faire le sale boulot à votre place
Le sale boulot à votre place
Vous voici maintenant prisonniers de votre propre terreur
Tandis que moi
Je continue de chanter à tue-tête
Des mots sans queue ni tête
Mais toujours de bon cœur
Car vous aurez beau faire j'aurais toujours le dernier mot
Puisque je n'ai pas peur de ce que je dis
(préambule à un débat sur la liberté d’expression,
Salon du livre et de la BD, La Couture, 15 février 2015)
FRANCIS CARPENTIER
Il se présente :
Auteur de poèmes et de nouvelles, Francis Carpentier est un écrivain encombrant ; on ne sait pas où le mettre, il est impossible à classer, impossible à caser…
Si on croise ses écrits, c’est presque par surprise, dans des recueils collectifs : à Lille dans la « Nouvelle Revue Moderne », à Limoux dans la revue « Brèves », à Montréal dans la « Rélovution Poétique » et dans « Casse-pieds », à Sablé sur Sarthe dans les « Cahiers de la rue Ventura » ; chez les « Ancres Noires » au Havre, chez « Imaj’nère », à Angers (où il anime l’émission mensuelle « Poètes sans papier », sur www.radio-g.fr)...
… A moins de tomber par hasard, dans une brocante, sur l’un de ses recueils, parcimonieusement distribués à trente exemplaires, de la main à la main, par « les cahiers du petit curé », tels que : « Circumnavigation », « A l’œil », « Au printemps ça bourgeonne », « Les aventures de Herman Melville » « Non art poétique », « Un roi et un lapin », « Petit con et autres désastres des quais de Seine », « Etrennes avant la fin du monde ».. ou son petit dernier : « D’un siècle l’autre ».
Chacun comprendra bien, dans ces conditions, qu’il n’a pas sa place parmi les poètes institutionnels !